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Incidence de la pandémie de COVID-19 sur le réseau de cancérologie de l’Ontario

En mars 2020, le nombre de cas de COVID-19 a augmenté dans tout l’Ontario avec l’émergence de la première vague de la pandémie. À cause de cette hausse, on craignait que les patients atteints de la COVID-19 entrainent une surcharge du système hospitalier provincial, comme cela fut le cas à New York et dans d’autres régions du monde.

Pour éviter cela, le 19 mars 2020, le ministère de la Santé a émis la Directive no 2 à l’intention des fournisseurs de soins de santé visant à préserver la capacité du système de santé pour mieux gérer la COVID-19 en réduisant ou en interrompant tous les services non essentiels et non urgents. Au sein du réseau de cancérologie, il y a eu une incidence immédiate sur les services de dépistage, de diagnostic, de chirurgie et autres.

TLes services ont commencé à reprendre fin mai 2020, mais les répercussions combinées de la COVID-19 et de la directive ont continué de mettre à l’épreuve le réseau de cancérologie pendant toute l’année de la pandémie et après. Ce Dossier spécial de l’IQRC décrit l’effet de la pandémie sur le réseau de cancérologie de l’Ontario, la façon dont le réseau a répondu et s’est adapté dans l’immédiat et les plans en cours pour une reprise à long terme.

Indice de qualité du réseau de cancérologie

Interruption des services de cancérologie

En tant que chef de file mondial des soins de cancérologie, l’Ontario était bien placé pour gérer les pressions exercées sur le système de santé, mais la COVID-19 a constitué un défi unique avec la fermeture sans précédent des principaux services de cancérologie.

Ces interruptions de services ont eu des répercussions sur tout le continuum de soins. Nous avons donc observé des réductions :

  • des visites et examens auprès de fournisseurs de soins primaires pour détecter les premiers signes et symptômes d’un cancer;
  • du dépistage du cancer pour détecter le cancer aux premiers stades;
  • des biopsies appuyant le diagnostic du cancer;
  • des services d’imagerie pour la détection précoce ou la stadification du cancer;
  • des services de chirurgie pour traiter le cancer diagnostiqué.

Cela a été aggravé par le sentiment général d’hésitation à consulter entrainé par la crainte de se mettre en danger à cause de la COVID-19 qui a dissuadé les gens de consulter leurs fournisseurs de soins de santé.

Les répercussions de la directive ont été immédiates et durables. Pendant la première vague, le nombre de tests de dépistage du cancer et de procédures d’évaluation diagnostique associées a considérablement diminué. Le taux d’incidence des cas de cancers malins a diminué de 32 points en mai 2020 par rapport à 2019. Le nombre de tests de dépistage du cancer colorectal par les selles a également diminué de 91 % au cours de cette même période, les mammographies de dépistage de 99 % et les chirurgies contre le cancer non urgentes de 33 %.

Real Lassonde
« Des premières étapes préalables au diagnostic jusqu’à celles après le traitement, mon destin a été étroitement lié à l’évolution de la COVID-19 pendant cette période imprévisible. Les changements de dates de rendez-vous, les interruptions de plans de déplacement, les retards pour réaliser les examens et recevoir les traitements, j’ai vécu tout cela. »
Real Lassonde, Patient
Farah Tayabali
« J’ai eu la chance que mon diagnostic et mon intervention chirurgicale aient eu lieu juste avant l’apparition de la COVID-19, mais j’ai vraiment craint que mon traitement de suivi soit repoussé en raison des restrictions liées à la pandémie ou des éclosions dans les hôpitaux. »
Farah Tayabali, Membre du Conseil de la qualité des soins oncologiques de l’Ontario

Poursuite des soins de cancérologie urgents

Malgré ces interruptions de services, de nombreuses personnes ont continué de bénéficier de services de diagnostic du cancer, de chirurgie et d’autres traitements. Santé Ontario (Action Cancer Ontario) a publié des documents d’orientation clinique et des fiches-conseils pour les hôpitaux et les centres de cancérologie, qui comprenaient des recommandations visant à aider à gérer l’augmentation des arriérés et à établir l’ordre de priorité parmi les services de cancérologie pendant la pandémie. En coordination étroite avec Santé Ontario (Action Cancer Ontario), les 14 programmes régionaux de cancérologie ont mis en œuvre les changements nécessaires pour atténuer les répercussions sur les patients.

Les femmes présentant un risque élevé de développer un cancer du sein dont les examens de dépistage ont été repoussés lors de la première vague ont été prises en charge en priorité lors de la reprise des services de dépistage du cancer. Ainsi, les examens de dépistage du cancer du sein pour les personnes présentant un risque élevé représentaient près de 12 % de toutes les mammographies de dépistage en mai 2020, une hausse marquée par rapport aux 2 % environ en février 2020.

En juin 2020, les volumes d’examens d’imagerie à résonnance magnétique (IRM) de stadification de cancer et de diagnostic sont revenus aux niveaux de 2019 après une légère baisse entre mars et mai 2020. Les arriérés existants quant aux consultations d’imagerie ont également augmenté malgré la brève interruption des services d’imagerie au cours de la première vague. Bien que les capacités de ces services ont été renforcées lors de la reprise des services, cela n’était pas suffisant pour rattraper l’arriéré accru.

Certains chirurgies contre le cancer ont été suspendues pendant la première vague, mais les chirurgies hautement prioritaires ont été poursuivies presque sans aucune interruption. Dans l’ensemble, le nombre de chirurgies contre le cancer a diminué de 35 % en mai 2020 par rapport à 2019. Pendant cette même période, les volumes de chirurgies contre le cancer ont augmenté pour les patients de niveau de priorité 2, mais ont diminué pour les patients de niveau de priorité 3 et 4.

La réduction du nombre d’examens de dépistage du cancer, de services de diagnostic et de chirurgies correspondait à la diminution des volumes de consultations et de traitement par radiation. Les services de traitements systémiques et de radiothérapie ont été maintenus pendant la pandémie, mais dans certains cas, la prestation, le moment et la fréquence de ces traitements ont subi des changements. Voici des exemples de modifications :

  • Changement de certains traitements systémiques passant de traitements adjuvants à néoadjuvants pour les patients nécessitant une chirurgie qui pourrait être repoussée (les traitements néoadjuvants désignent un traitement systémique administré avant la chirurgie plutôt qu’après).
  • Certains patients redirigés de la chirurgie vers la radiothérapie seulement ou vers des traitements de remplacement de chimio-radiothérapie.

Augmentation de l’arriéré existant

La pandémie a entrainé des difficultés uniques et a compliqué certaines problématiques existantes. Les listes d’attente pour les services de dépistage, les soins de diagnostic et les chirurgies se sont allongées régulièrement pour les patients du réseau de cancérologie de la province pendant la première année de la pandémie, s’ajoutant aux arriérés existants.

Les arriérés en matière de mammographies de dépistage, en particulier les mammographies de contrôle biennales, ont augmenté au cours de la première vague, tout comme les arriérés en matière de coloscopies des hôpitaux ambulatoires pour la surveillance et d’autres services de dépistage.

La pandémie a également intensifié les pressions et arriérés existants pour les services d’imagerie diagnostique par tomodensitométrie (TDM) ou IRM. Cela a principalement touché les services d’imagerie hors cancérologie, mais les services d’imagerie de cancérologie pourraient aussi être touchés à l’avenir avec l’augmentation prévue du nombre de patients dont les soins ont été repoussés.

Les chirurgies contre le cancer reportées pendant la première vague constituent également un important arriéré, en particulier pour les patients de niveau de priorité 4.

En l’absence d’un renforcement des capacités et d’autres stratégies de gestion, cela prendra plusieurs années pour rattraper cet arriéré.

Adaptation des services de cancérologie pour pouvoir offrir des soins aux patients

Le réseau de cancérologie de l’Ontario a répondu aux difficultés liées à la COVID-19 en poursuivant deux objectifs parallèles : assurer la sécurité des patients et continuer d’offrir les services essentiels.

Les soins virtuels ont joué un rôle essentiel dans l’offre de soins pendant la pandémie. Dans certains services, les premières consultations et celles de suivi en personne ont rapidement été remplacées par des visites virtuelles au début de la pandémie. Les consultations de nouveaux cas réalisées de façon virtuelle pour les traitements systémiques sont passées de 0,3 % en mai 2019 à 46,5 % en mai 2020. Le pourcentage de visites virtuelles de suivi des traitements systémiques est passé à 51,8 % en mai 2020, par rapport à 2,1 % en mai 2019.

Concernant la radiothérapie, les consultations de nouveaux cas réalisées de façon virtuelle ont augmenté à 58,1 % en mai 2020, contre 1,4 % en mai 2019. Le pourcentage de visites virtuelles de suivi des radiothérapies est passé à 64,7 % en mai 2020, par rapport à 3,5 % en mai 2019.

Les conférences multidisciplinaires sur le cancer ont été organisées de façon virtuelle et ont continué de jouer un rôle crucial pour s’assurer que les patients bénéficiaient des bons examens de diagnostic et des options de traitement appropriées. Ces discussions multidisciplinaires ont été particulièrement importantes, car pour de nombreux patients, des traitements médicamenteux ont été proposés pour remplacer les chirurgies en première intention.

Les soins virtuels ont présenté des avantages comme la commodité pour les patients, les économies réalisées sur les frais de transport et l’exposition limitée à la COVID-19, mais des problèmes ont subsisté, notamment :

  • l’accès inéquitable aux technologies, pour les patients et les fournisseurs;
  • l’intégration de l’équipe interprofessionnelle dans le parcours de soins (personnel infirmier, oncologie psychosociale, etc.);
  • le manque d’accès uniforme à des services de traduction.

De plus, ce passage rapide à des soins virtuels s’est fait en l’absence de directives et cadres qui auraient normalement accompagné un changement si important avant la pandémie. Pour répondre au besoin de cette mise en œuvre urgente des soins virtuels, Santé Ontario a publié un document d’orientation clinique sur l’utilisation appropriée des soins virtuels contre le cancer, selon les principes des soins axés sur la personne. Ces principes ont été adoptés dans toute la province et permettront d’orienter la mise en œuvre continue des soins virtuels contre le cancer.

Lorsque cela était possible, les modalités d’administration du traitement contre le cancer ont été modifiées pour limiter l’exposition des patients à la COVID-19 lors de visites à l’hôpital ou autres. Cela comprend :

  • Passage à des médicaments contre le cancer par voie orale;
  • Dates de début de traitement plus flexibles et prolongation des pauses dans le traitement;
  • Prolongation des intervalles posologiques entre les cycles de traitements systémiques (lorsque ce changement n’influe pas sur les résultats);
  • Augmentation de l’utilisation de l’irradiation hypofractionnée pour les personnes sous radiothérapie, lorsque cela est approprié (l’irradiation hypofractionnée consiste en des doses plus élevées par consultation et un moins grand nombre de consultations);
  • Lancement du dépistage à domicile pour les symptômes liés au traitement, depuis l’appareil personnel du patient comme un téléphone cellulaire, une tablette ou un ordinateur.
« De nombreux programmes de soins ambulatoires ont diminué progressivement ou interrompu leurs services pendant la pandémie, mais cela n’a pas été le cas pour les services de cancérologie, le cancer n’attend pas, il ne prend pas de pause. Nos équipes ont dû passer à un modèle de soins virtuels qui permettait aux patients de bénéficier du même niveau de qualité pour les soins dont ils avaient besoin et qu’ils méritaient. »
Cynthia Heron, Responsable régionale du personnel infirmier spécialisé en oncologie, Programme régional de cancérologie du Centre, Santé Ontario (Action Cancer Ontario)

Nouvelles difficultés du réseau de cancérologie après la pandémie et adaptations continues

Au milieu de l’année 2021, le réseau de cancérologie de l’Ontario s’était adapté pour lutter contre la pandémie et a commencé à répondre à certaines pressions exercées sur le système. Toutefois, la reprise et la stabilisation du système prendront plus de temps et amèneront d’autres difficultés.

À mesure que le système de santé reprend et que les patients reviennent, il se peut que ces derniers soient atteints de cancers qui seront diagnostiqués à un stade plus avancé. Les répercussions de la pandémie sur la santé mentale et la vie sociale des patients constitueront également un fardeau supplémentaire. Après la première vague, les visites de suivi pour des services d’oncologie psychosociale ont augmenté, passant 5 456 en juin 2019 à 6 500 visites en juin 2020.

Les arriérés persistent, mais plusieurs solutions ont été mises en place pour réduire les répercussions sur les patients. Le ministère de la Santé a octroyé un nouveau financement aux hôpitaux afin de les aider à reprendre les soins chirurgicaux et procédures médicales qui avaient été repoussés en raison de la pandémie. Ces fonds permettront de renforcer les capacités locales, de réduire les arriérés et de répondre à d’autres besoins de soins. Des fonds supplémentaires pour les innovations aux échelles des hôpitaux, des régions et de la province pourraient également permettre d’améliorer les délais d’attente pour les patients. Les potentiels changements de processus et stratégies visant à améliorer l’efficacité des services chirurgicaux comprennent les listes d’attente centralisées pour les orientations vers les services de chirurgie et d’imagerie, l’utilisation optimisée des capacités d’exploitation et des partenariats entre établissements de santé autonomes et hôpitaux pour assurer les chirurgies et autres procédures.

Certaines approches adoptées pendant la pandémie pourraient devenir permanentes. Cela comprend les soins virtuels, la hausse de l’utilisation de l’irradiation hypofractionnée pour la radiothérapie, l’administration à domicile des traitements systémiques par voie orale.

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions profondes et durables sur le réseau de cancérologie de la province. Les activités de gestion et de surveillance continues, y compris les leçons tirées de la pandémie, seront essentielles pour contribuer à la reprise à long terme.

« Les soins de cancérologie reposent sur une équipe formée du patient, de sa famille et des fournisseurs de soins de santé qui collaborent. L’optimisation de l’expérience du fournisseur permet d’améliorer l’expérience du patient et, en fin de compte, ses résultats. L’épuisement professionnel des fournisseurs de soins de santé était un problème considérable en Ontario avant la pandémie, et il n’a fait que s’accélérer à l’avant-scène des problèmes que nous devons régler au cours de la période de reprise après la COVID-19. »
Dr. Simron Singh, Responsable provincial, Soins axés sur la personne, Santé Ontario (Action Cancer Ontario)
Dernière mise à jour: 22 novembre 2023